L’hypoxie frappe le Saint-Laurent
Comme plusieurs autres cours d’eau du monde, le Saint-Laurent est affecté par un phénomène que les scientifiques appellent hypoxie. Il s’agit de zones où l’oxygène atteint des niveaux tellement bas que cela menace la vie elle-même.
C’est dans les années 1980 qu’on a découvert les premières zones du Saint-Laurent touchées par l’hypoxie. En 2003, les scientifiques ont réalisé toute l’ampleur du phénomène. Ils ont alors constaté qu’une zone recouvrant 1300 kilomètres carrés du Saint-Laurent avait connu une baisse du taux d’oxygène d’environ 50%, et ce, depuis les années 1930. Le phénomène frappe les eaux de grande profondeur du Saint-Laurent (plus de 200 mètres) de Rimouski jusqu’à Sept-Îles.
L’on considère une zone comme étant hypoxique du moment où le taux de saturation en oxygène descend sous la barre des 30%.
L’hypoxie a pour effet de chasser des secteurs touchés les animaux marins mobiles, et de tuer ceux qui ne peuvent supporter de si faibles taux d’oxygène et qui ne peuvent fuir la zone affectée. Cela crée bien sûr un déséquilibre dans l’écosystème car certaines espèces disparaîtront purement et simplement. La morue, par exemple, poisson qui préfère des eaux saturées en oxygène d’au moins 65% ne peut supporter de si faibles taux d’oxygène. Voilà pourquoi on n’en trouve plus dans les eaux profondes en face de Rimouski.
Plusieurs facteurs sont pointés du doigt afin d’expliquer le phénomène. Les scientifiques croient que les eaux usées rejetées par les municipalités et les engrais utilisés en agriculture et qui se retrouvent, en fin de processus, dans le fleuve Saint-Laurent, favorisent fortement l’hypoxie dans le Saint-Laurent.
Et ce, parce que les nitrates et les phosphates apportent des nutriments au plancton qui connaît dès lors une croissance exponentielle. En mourant, les animalcules qui composent le plancton coulent au fond et sont décomposés par des bactéries qui consomment beaucoup d’oxygène pour réaliser une telle tâche. Plus il y a une grande quantité de plancton mort qui tombe vers les abysses, et plus le taux d’oxygène diminue, créant de ce fait des zones hypoxiques.
Les changements climatiques enveniment également le problème. Il est démontré que toute perturbation du climat affecte les grands courants océaniques. À ce titre, le Saint-Laurent n’est pas épargné.
L’on a remarqué, depuis quelques années, que le courant du Labrador entre moins énergiquement dans le golfe et l’estuaire du Saint-Laurent qu’il ne le faisait auparavant, permettant aux eaux du centre de l’Atlantique Nord de prendre partiellement sa place.
Or, l’eau du Labrador est beaucoup plus froide et beaucoup mieux oxygénée que l’eau du centre de l’Atlantique et du Gulf Stream.
Pour régler le problème que représente l’hypoxie, il faudra adopter d’importantes mesures pour réduire les niveaux de phosphate et de nitrate dans le St-Laurent, tout en combattant le réchauffement climatique.
Faits saillants:
- La zone du Saint-Laurent touchée par l’hypoxie recouvre actuellement une superficielle correspondant à trois fois la superficie de l’île de Montréal. Et les scientifiques croient que le phénomène s’aggravera dans les prochaines années.
- L’hypoxie peut paralyser les animaux, les empêcher de se nourrir et de se reproduire. Au bout du compte, ce phénomène décime les populations et appauvrit la biodiversité.
- Là où la morue est disparue à cause de l’hypoxie, ce sont les vers polychètes qui ont pris le relais; cette espèce tolère de très faibles taux d’oxygène.
- Lorsque le niveaux d’oxygène atteint le niveau zéro, la zone est dite en situation anoxique. La vie ne peut alors tout simplement plus s’y développer.
- On retrouve aujourd’hui, sur la planète, quelque 400 zones marines mortes en raison de l’insuffisance de l’oxygène qu’on retrouve dans leurs eaux.