Pollution sonore dans le fleuve Saint-Laurent

Depuis 50 ans environ, les activités humaines ont profondément perturbé la quiétude des milieux marins. Le transport maritime, les activités militaires, les pêcheries, les industries minières et pétrolières, les levées sismiques et tutti quanti ont énormément élevé le niveau du bruit qui s’entend dans les océans, à un point tel qu’on parle maintenant de pollution sonore.

Le son voyage quatre fois plus vite dans l’eau que dans l’air. Et il se rend plus loin. Ce qui revient à dire que le simple passage d’un bateau perturbera des kilomètres carrés de l’océan ou d’un fleuve donné.

Bien que des études restent encore à être réalisées pour qu’on puisse vraiment comprendre ces phénomènes et leurs impacts, il n’en demeure pas moins qu’en ce qui concerne les cétacés, nous savons déjà que la situation s’est grandement détériorée au fur et à mesure que le bruit augmentait dans leur environnement. Les mammifères marins dépendent des sons pour s’orienter, communiquer, se nourrir et se reproduire.

Ces dernières décennies, les baleines bleues, par exemple, ont vu la distance à laquelle elles peuvent communiquer entre elles réduite de près de 90%;  c’est énorme!  Et dès lors que la bruyante activité humaine couvre leurs moyens de communication, la survie des baleines est compromise. D’autant que les dommages ainsi causés à leurs oreilles peuvent être de nature permanente.

Le bruit ne blesse pas seulement les baleines aux oreilles.  Il crée également chez ses animaux un stress permanent.  C’est ce qu’ont démontré des études réalisées ces dernières années, dont une à partir de fèces de baleines noires de l’Atlantique qu’on passait sous la loupe afin de découvrir des hormones de stress.

Sous le coup de ce stress, les mammifères marins modifient leurs comportements de plongée et peuvent souffrir de ce fait d’accidents de décompression liés aux bulles d’azote dispersées dans leurs organismes par la plongée. Certaines populations de baleines en viennent même qu’à délaisser des secteurs marins qui pouvaient être productifs pour eux, question de se mettre à l’abri des bruits par trop incessants. Ce stress s’attaque également au système immunitaire des animaux, les rendant vulnérables face à certaines épidémies.

Qui plus est, il a été démontré sans l’ombre d’un doute que les sonars et autres systèmes de détection sont directement responsables de l’échouage en masse de mammifères marins.  Ceux-là, incapables de s’orienter sous le coup de tout ce bruit, finissent sur les plages, là où ils y meurent en masse.

Comme si ce n’était suffisant, l’acidification des mers, conséquence de la diffusion de dioxyde de carbone dans l’environnement, empirera la situation du bruit dans les océans.  Et ce, parce qu’une eau acide diffuse plus efficacement les ondes basses qu’une eau alcaline.

Dans le Saint-Laurent, le problème du bruit est encore plus prononcé qu’ailleurs.  Le Saint-Laurent est une petite mer intérieure où circulent de très nombreux bateaux.  Les distances sont relativement courtes, et les bruits peuvent ainsi se rendre partout.  La topographie du fond marin laurentien envenime également la situation.  Le fond y répercute efficacement les ondes du bruit.

Le problème du bruit dans les océans est connu depuis les années 1970 au moins.  Mais très peu a depuis été fait pour corriger la situation.  Parmi les solutions retenues, il serait grandement temps que l’industrie navale rende ses navires moins bruyants.  Il faudrait également réserver des zones marines aux animaux, en y interdisant toute circulation maritime.

Faits saillants:

  • Avec la mondialisation qui a pris beaucoup d’ampleur depuis les années 1990, la flotte marchande mondiale a doublé.  Et on prévoit qu’elle doublera encore d’ici 2025.
  • L’armée américaine crée un véritable vacarme sous la mer.  En utilisant des sonars à basses fréquences pour détecter les sous-marins, ils diffusent des bruits de l’ordre des 230 décibels.  L’armée américaine espère quadriller complètement les océans du monde à l’aide de tels sonars d’ici les prochaines années, laissant présager le pire pour les baleines en particulier et la vie marine en général.
  • Vingt navires de marchandises passent en moyenne devant le Parc marin du Saguenay chaque jour.